Recrutement : les mensonges les plus fréquents des candidats sur leur CV

Vérifier l'adéquation entre candidats et postes à pourvoir, c'est le quotidien de Bruno Fadda, directeur pour le cabinet de recrutement Robert Half. Chaque jour, il voit défiler des dizaines de CV. Une partie conséquente de son job consiste à vérifier la fiabilité et le sérieux des informations transmises via ce "passeport professionnel" que représente le curriculum vitae dans les processus de recrutement. Avec à la clé souvent bien des surprises. "Je ne dirais pas que cela concerne la moitié des candidatures, mais on tombe régulièrement sur des CV plus qu'améliorés voire même erronés", affirme cet expert du recrutement. "La semaine dernière, par exemple, je me suis rendu compte qu'un candidat nous avait envoyé en l'espace de quelques mois deux CV complètement différents. Il avait changé aussi bien sa formation initiale que le nom de ses précédents employeurs et la durée de ses expériences professionnelles. C'était limite grossier!".

Si ce type de cas reste rare, le CV "amélioré" est beaucoup plus fréquent qu'on pourrait le penser. "D'après nos dernières statistiques, environ 65% des CV que nous contrôlons comportent au moins une anomalie, et 12% un élément qui peut changer la décision de l'employeur", affirme Yohan Zibi, cofondateur d'EveryCheck, start-up parisienne spécialisée dans la vérification factuelle des CV. Passage en revue des mensonges les plus récurrents.

Les expériences professionnelles gonflées

Les candidats auraient tendance à mentir en priorité sur leur expérience professionnelle, d'après la dernière enquête du cabinet de recrutement Robert Half*, publiée ce mardi 6 février. Plus de la moitié (55%) des directeurs généraux et managers sondés la signalent comme la partie du CV la plus truffée d'informations erronées. 18% rapportent des erreurs rien que sur les stages. Si ces résultats sont à prendre avec des pincettes –seules 302 personnes ont été interrogées– ils témoignent néanmoins d'une problématique bien réelle des recruteurs, selon Yohan Zibi.

"Il est par exemple très fréquent d'observer des écarts conséquents entre la durée affichée d'un contrat de travail et la durée effective", relève le cofondateur d'EveryCheck. "Quand il s'agit de deux ou trois mois, c'est mineur, mais un écart de trois ans sur un job de quatre ans, ça commence à devenir problématique non seulement sur le plan de l'expérience professionnelle du candidat mais également sur celui de l'intelligence économique. Où était cette personne pendant cette période, chez un concurrent direct?", pointe Yohan Zibi, qui travaille fréquemment avec des directeurs de la sécurité dans le cadre de recrutements sensibles.

Les missions et compétences surévaluées

Dans la même lignée, une part conséquente des candidats enjolivent leurs responsabilités passées, leurs tâches réalisées (selon 27% des DG) tout comme leurs compétences techniques (40%) et linguistiques (34%). Des candidats peu scrupuleux peuvent également transformer des missions de prestataire de quelques mois au sein d'une grande entreprise de renom en emploi salarié. Simple et efficace.
Une pratique qui serait particulièrement courante dans les métiers du commerce et du conseil. "Quand on lit les CV des commerciaux, ils sont toujours chef de quelque chose. Dans les faits, ils sont souvent seulement chef d'eux-mêmes", plaisante Yohan Zibi. "Attention toutefois, il est très facile de vérifier en entretien le niveau de langue et de compétences techniques. Ce pari peut s'avérer au final très risqué. Une fois que vous avez perdu la confiance du recruteur, difficile de la récupérer", avertit Bruno Fadda de Robert Half.

Le poste inventé

Pour combler des trous dans leur CV, certains n'hésitent pas à inventer des emplois qu'ils n'ont jamais occupés. "Je me souviens d'un cas où le candidat affirmait avoir travaillé dans une boutique en Angleterre. Après vérification, il se trouve que cette boutique n'existait pas encore à la date mentionnée", se souvient le dirigeant d'EveryCheck. De même, afin d'éviter des explications gênantes, il n'est pas rare qu'un licenciement en période d'essai d'un CDI se transforme en fin de CDD non renouvelé.

D'autres se montrent encore plus créatifs. Yohan Zibi évoque une autre anecdote où son équipe ne parvenait pas à contacter la référence professionnelle transmise par le candidat. "Ce dernier nous a finalement fourni le portable de la personne en question qui nous a vanté les mérites de la future recrue. Afin d'être sûrs qu'il s'agissait bien d'un vrai témoignage, nous avons demandé à la personne qu'elle nous adresse un mail depuis sa boîte mail professionnelle. Une heure plus tard, nous avons reçu ce mail depuis une adresse pseudo professionnelle. La personne était allée jusqu'à racheter un nom de domaine proche du nom de l'entreprise mentionnée pour nous endormir !". 

Le diplôme fictif

Les trucages ne s'arrêtent pas là. Le diplôme et les qualifications sont également sujets à de nombreux "ajustements", selon 52% des dirigeants sondés. Certains vont par exemple ruser en ne mentionnant que le nom de la grande école et non le programme spécifique qu'ils ont suivi (ex: "diplômé d'HEC" alors que le candidat a suivi un master spécialisé, et non le très sélect Programme Grande Ecole). D'autres vont tout bonnement choisir un établissement plus réputé aux consonances similaires (ex: "ingénieur ENSAM" au lieu de "ingénieur CNAM").

"Parfois, le candidat a suivi la formation mais n'a pas obtenu le diplôme. Il arrive même qu'il n'ait même pas suivi les cours", abonde Bruno Fadda chez Robert Half. "Pour un poste consistant à s'occuper de personnes handicapées, un moniteur éducateur spécialisé est allé jusqu'à nous adresser un faux diplôme. Dans ce type d'activités sensibles, cela peut avoir des répercussions catastrophiques si on n'est pas vigilant", ajoute Yohan Zibi qui a récemment été contacté –ironie du sort– par un internaute à la recherche d'un faux diplôme. Le larron s'était mépris sur l'objet de la start-up parisienne qui proposait en réalité le service à l'extrême opposé…

Un pari risqué

Entre marketing et tromperie, la frontière est parfois mince. Mentir sur sa carrière ou dissimuler une expérience embarrassante n'est pas, dans bien des cas, réalisé dans le seul objectif de flouer son interlocuteur, mais bien de réussir à franchir le barrage souvent insurmontable des premières sélections. "Il est vrai que le cahier des charges des entreprises est souvent assez lourd. Certains candidats modifient leurs CV en conséquence afin de correspondre au profil de mouton à cinq pattes cherché par le recruteur", estime Bruno Fadda.

"C'est le serpent qui se mord la queue. Face à des entreprises qui imposent des critères inaccessibles, les gens font tout pour entrer dans les cases, au risque de mentir", ajoute Yohan Zibi. Reste que tromper un recruteur n'est pas sans conséquence. Selon l'enquête Robert Half, 47% des directeurs généraux et managers interrogés affirment avoir déjà exclu un candidat d'un poste au sein de leur entreprise après avoir découvert des informations fausses ou exagérées dans son CV. Un enseignement choc à méditer avant de s'inventer une autre vie professionnelle.

Par Marion Perroud  |  Challenges
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